La République Fédérale d’Afrique de l’Ouest : étape indispensable pour une union à l’échelle africaine

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Afrique de l'OuestAprès la Communauté Economique Des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) créée le 28 Mai 1975 à Lagos et le Parlement Ouest Africain établi par les articles 6 et 13 de la révision du Traité de la CEDEAO de 1993, la République Fédérale d’Afrique de l’Ouest (RFAO) doit être l’aboutissement de l’ensemble des efforts consentis pour rassembler les peuples vivant dans la partie occidentale de l’Afrique.

Cette union ouest africaine sera la réalisation d’une partie du rêve du père africain du panafricanisme, le Ghanéen Kwame Nkrumah.

La volonté d’unifier d’un seul coup l’ensemble des Etats africains, comme l’ont rêvé, il y a plus de 50 ans, les fédéralistes Kwame Nkrumah, Modibo Keita ou Sékou Toure est un projet louable et ambitieux. Il mérite l’engagement total de tous les pays. Mais, à la lumière des écueils qui ont régulièrement surgi sur la voie de sa réalisation, c’est un processus qui peut être très long.

Le pragmatisme et la sagesse commandent aux Africains de procéder par étapes. L’Union des Etats de l’Afrique de l’Ouest est un de ces jalons essentiels. Ce projet ne sera pas un impératif idéologique, mais un choix commandé par la raison et des réalités qui font que les pays de l’Afrique de l’Ouest ont intérêt à s’unir.

Dans la première partie de cet article, nous verrons les moyens de transformer cette coopération entre Etats en une union fédérale et nous ferons le bilan des réalisations concrètes en termes d’intégration sous régionale.

La seconde partie sera consacrée à l’analyse des raisons de l’échec de bien de tentatives d’intégration africaine ainsi que des obstacles qui existent encore sur la voie de l’union de pays africains.

En conclusion, nous affirmerons nos convictions personnelles qui sont le résultat de notre réflexion sur la situation actuelle de l’Afrique.

 

            Lorsqu’en 1975, les chefs d’Etat de 15 pays ouest-africain décidèrent de créer une communauté économique, ils le firent pour mieux encadrer les échanges économiques importants entre populations de ces pays. En effet, les Haoussa du Nigéria n’ont pas attendu la création de la CEDEAO pour faire du commerce avec leurs frères du Niger.

Ce sont donc les groupes ethno-linguistiques qui, pour la plupart d’entre eux,  ne sont pas cantonnés dans les frontières d’un seul pays, qui sont à la base du processus d’intégration ouest-africaine.

Les Mandingues de la Côte d’Ivoire, du Sénégal ou de la Guinée ont très souvent gardé des liens étroits avec les Mandingues Maliens.

Les Yoruba du Benin et du Niger savent bien que 90% de leur peuple se trouve au Nigeria.

Les éleveurs Peuls, eux, s’affranchissent des frontières définies par le colonisateur, pour faire paitre leur bétail.

Les Akan du Ghana et de la Côte d’Ivoire parlent la même langue malgré la différence de langue de leurs colonisateurs.

Ainsi, si la plupart des peuples de l’Afrique de l’Ouest se retrouvent dans plusieurs pays,  il est également à noter qu’aucun de ces pays n’est peuplé d’un seul peuple.

Cette coexistence de plusieurs groupes de population dans le même pays n’a pas été évidente dans les premières années d’indépendance. Et ça et là existent encore quelques conflits inter-ethniques. Mais après une cinquantaine d’années d’indépendance, les populations ouest africaines ont appris à se définir plus comme faisant partie d’un pays, d’une nation, que d’un peuple.

Cette identification nationale, ce sentiment patriotique, prouve que les populations ouest-africaine sont capables de transcender leur appartenance ethno-linguistique pour se fondre dans un ensemble plus vaste.

La maturité politique des peuples ouest-africains sera un facteur important dans le processus d’intégration sous régionale. En effet, si les populations ouest-africaines ont accepté de mettre leur pays au dessus de leur groupe etho-linguistique, ils accepteront, à bien s’y prendre, d’appartenir à un ensemble encore plus vaste ; un ensemble dans lequel ils retrouveront tous leurs frères du même peuple mais également les frères des peuples avec lesquels ils avaient déjà accepté de vivre.

Ce vaste ensemble, c’est la future République Fédérale d’Afrique de l’Ouest.

Une fois réalisée, l’union de l’Afrique de l’Ouest renforcera la région aussi bien sur le plan intérieur que sur le plan extérieur :

  • Sur le plan intérieur, le nouvel ensemble politique permettra de bien exploiter le potentiel de chaque Etat membre et d’en faire profiter l’ensemble de la communauté. Cela passe par l’identification et l’élaboration de pôles de compétitivité sur lesquels l’Etat le plus compétitif sera aidé par l’ensemble de la fédération.
  • Sur le plan extérieur, les échanges se feront sous l’étiquette de la fédération et non d’un Etat donné ; le commerce extérieur pourra ainsi bénéficier du poids de toute la communauté.

En outre, les choix politiques au niveau international auront plus d’écho, s’ils sont faits dune seule voix, une voix représentant 220 millions de personnes.

A l’heure actuelle, le processus n’est pas encore achevé mais d’importants progrès ont été réalisés :

  • La libre circulation des  populations : suppression des visa et des postes de Police aux frontières, droit de résidence dans tous les pays de la communauté, création du Carnet de Voyage et du Passeport CEDEAO,
  • Echanges commerciaux : suppression des taxes douanières ayant un effet équivalent sur les produits dans les différents pays de la zone. A titre d’exemple, on peut noter la suppression des frais de dédouanement des véhicules d’un pays de la zone à un autre,
  • Politiques monétaire et Financière : harmonisation des politiques monétaire et fiscale, mise en circulation du Chèque Voyageur CEDEAO, création du groupe ECOBANK pour le développement et l’investissement, création de l’Institut Monétaire Ouest Africain (IMOA) pour l’élaboration d’une seconde zone monétaire qui regroupera la Gambie, le Ghana, la Guinée, le Nigeria et la Sierra Leone,
  • Transport : construction d’un réseau d’autoroutes ouest-africaines de Lagos à Nouakchott et de Dakar à N’Djamena.

A toutes ces réalisations s’ajoutent de nombreux projets tous très ambitieux comme par exemple la création d’une unique zone monétaire dans toute l’Afrique de l’Ouest, d’une compagnie aérienne (ECOAIR) et d’une chaine de radio et télévision ouest-africaines.

Cette marche vers l’intégration ouest-africaine a rencontré et continuera de rencontrer des difficultés qui ont jadis fait échouer les tentatives d’union africaine des premières heures d’indépendance des pays africains.

 

            Le 06 mars 1957, la Gold Coast (actuel Ghana) devient indépendante avec à sa tête un Kwame Nkrumah qui prône l’union des populations africaines et une organisation de type fédéral.

Pour joindre la parole à l’acte, il soutient financièrement la Guinée nouvellement indépendante en 1958, et forme une union avec cette dernière en 1959.

A la même période, en janvier 1959, le Sénégal, le Soudan fraçais (actuel Mali), le Dahomey (actuel Benin) et la Haute Volta (actuel Burkina Faso) créent la Fédération du Mali. Mais 2 mois après, le Dahomey et la Haute Volta claquent la porte et un an plus tard, c’est autour du Sénégal de faire profile bas, en proclamant son indépendance. Le Soudan français n’a d’autre choix que de proclamer la sienne.  Ainsi, naquit la République du Mali.

Au cours de la même année, le Mali rejoint l’union Ghana-Guinée pour former l’Union Ghana-Guinée-Mali, rebaptisée Union des Etats Africains.

Cette union qui existe toujours en théorie, n’a aucune réalisation à son actif et n’est que symbolique.

Par ailleurs, en 1963, quand 32 chefs d’Etats Africains se réunirent à Adis Abeba pour créer l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA), ils ne retinrent pas l’idée de fédéralisme prônée par Nkrumah mais plutôt une coopération entre Etats africains.

La notion de coopération a remplacé l’idée de fédéralisme parce que les chefs d’Etats des nouveaux pays indépendants voulaient profiter de leur souveraineté nouvelle.

En outre, pour nombre de pays, il n’était pas nécessaire de s’unir aux autres pour tirer son épingle du jeu.

La Côte d’Ivoire d’Houphouët Boigny, qui voulait continuer l’aventure franco-africaine, fut un ardent opposant au projet d’intégration régionale.

Donc, en plus de la volonté de liberté et de souveraineté des leaders africains, il y avait des divergences idéologiques dans la manière dont ils pensaient que l’Afrique devait se développer.

Alors que Houphouët Boigny pense que l’indépendance politique sans indépendance économique est inutile, Sékou Touré, lui, affirme : « Nous préférons la liberté dans la pauvreté à la richesse dans l’esclavage. »

Les premiers dirigeants des nouveaux Etats africains ont donc échoué à unir l’Afrique parce qu’ils ont fondé leur démarche sur l’idéologie et non sur un pragmatisme éclairé qui rend nécessaire l’union des peuples africains.

Il est aisé de comprendre que la Tanzanie ne voit pas la nécessité de s’unir avec le Sénégal par exemple : les peuples y sont différents, les échanges économiques assez rares, il n’y a pas de frontière commune entre ces pays etc.

Par contre, la côte d’Ivoire aurait pu s’unir avec le Ghana si les dirigeants de ces deux pays avaient la même vision politique.

Ainsi, pour mener une politique d’intégration qui soit fructueuse, il faut plusieurs choses :

  • D’abord, il faut que cette union soit et apparaisse nécessaire aux yeux des populations concernées : la nécessité est une matière première fondamentale pour toute création humaine, pour toute entreprise réaliste.
  • Ensuite, il faut de la volonté politique: les dirigeants des pays africains doivent voir au-delà de leur destin national et ne ménager aucun effort pour l’intégration régionale. Mais la volonté sans leadership ne suffira pas.
  • Il faudra enfin du leadership : un leadership historique (le Ghana, pays du père du Panafricanisme) ou économique et démographique (le Nigéria) ou tout simplement politique (tout pays pouvant suffisamment convaincre les autres de s’unir).

À lumière des éléments de cette analyse, il apparaît qu’il est temps pour les Africains de l’Ouest de choisir clairement de créer une république unifiée, la RFAO.  C’est un choix stratégique engageant qui sera le noyau d’une union africaine globale et solide.

 

            L’histoire de l’humanité nous montre que les hommes ne se sont jamais unis pour le plaisir de s’unir. Ils l’ont toujours fait soit parce qu’ils y étaient contraints : conquêtes territoriales, soit par nécessité : pour mieux affronter l’adversité.

Pour conclure, nous dirons que l’élaboration de la République fédérale d’Afrique de l’Ouest ne se fera pas par les armes parce que l’époque des conquêtes territoriales est révolue.

Si demain l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique en général devrait s’unir, ça sera par nécessité.  En ce qui concerne l’Afrique de l’Ouest, au regard de la situation socio-politico-économique, on peut dire que « demain, c’est aujourd’hui. »

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  1. Site de la CEDEAO
  2. Site du parlement de la CEDEAO
  3. Liste des frontières du Niger
  4. Un article sur Nkrumah

Commentaires

Politique Etrangère

Juste pour saluer ce Site et les thèmes si intéressants retenus. Je vous signale aussi une initiative pilotée par Djibrilla Adamou, économiste à la Banque Mondiale (dissa1@worldbank.org) et un groupe appelé CIDE qui se penche sur les problématiques de gouvernance, de gestion des ressources naturelles, de politique extérieure, etc. Le Professeur Mahamadou Tidjani Alou de l'UAM et Maman Sidikou, ancien journaliste ont écrit dans ce cadre une contribution intitulée:

Faire face aux nouveaux défis de la vie internationale

Réactiver les instruments de politique étrangère du Niger

Bonne Année!

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