Sécurité au Sahel: le dilemme cornélien des autorités nigériennes

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Rédigé par Moctar KARIDIO

Depuis le coup d’Etat orchestré par le Capitaine Adama Haya Sanogo le 22 mars 2012 contre le régime du Président Amadou Toumani Touré au Mali,  et la conquête du Nord du Mali par des groupes djihadistes et indépendantistes, la République du Mali, dont l’existence même était menacée est devenue un foyer d’insécurité et une grande menace pour la stabilité et la paix au Sahel.  Cette situation est en partie expliquée par la fragilisation de la sécurité au niveau sahélo-saharien, conséquente à la crise en Libye et à sa gestion.

Le Niger, premier pays menacé par la présence de groupes armés dans le territoire autoproclamé de l’Azawad, se trouvait- face à un dilemme cornélien : Aider son voisin le Mali à recouvrer son intégrité territoriale au prix d’une guerre incertaine ou se contenter de sécuriser ses frontières avec le Mali au risque d’assister impuissant à la scission du Mali et à la création, à ses portes d’un Etat mafieux spécialisé dans le trafic de drogue et la monétisation des prises d’otages.

Aussi, le choix d’une stratégie entre le fait d’aider par la médiation avec les groupes rebelles (option privilégiée par le Burkina-Faso par exemple) et l’option d’aider militairement (option privilégiée et impulsée par la France par exemple)  n’était pas un choix évident. Le gouvernement nigérien a jugé, suite à diverses consultations et diverses controverses sur la solution, que l’intervention militaire en aide au Mali était la meilleure option. Il a choisi d’attaquer, avec l’aval de l’assemblée nationale et de l’opposition, plutôt que d’être en position d’attente défensive. C’est un choix important pour lequel l’Etat s’est donné les moyens nécessaires. L’armée nigérienne a vu ses moyens terrestres et aériens fortement renforcés pour mener à bien la guerre en territoire malien.  Mais, les évènements survenus à Agadez, Arlit et Niamey, montrent que le gouvernement nigérien, en misant le maximum sur l’attaque n’a pas suffisamment envisagé des plans de défense interne. En effet, les lourdes pertes humaines (24 militaires et 1 civil) occasionnées par les attentats terroristes du 23 mai 2013 à Agadez et Arlit ainsi que l’évasion de nombreux détenus de la maison d’arrêt de Niamey après une attaque qui a coûté la vie à 2 gardes nationaux, pointent du doigt la fragilité et les failles de notre dispositif de sécurité interne. Les nigériens qui se croyaient en paix et protégés contre toute agression extérieure découvrent que l’ennemi peut attaquer à l’intérieur.  Dans ce contexte, la vigilance de la population et l’étroite collaboration des forces de défense et de sécurité avec les services de renseignement (qui doivent être renforcés) peut permettre de déjouer des attaques terroristes et préserver la paix au Niger. Face à un ennemi commun invisible, la coopération entre les pays du sahel et du Maghreb  est également primordiale. 

Par ailleurs, tous les endroits sensibles où il peut y a voir un attroupement ou les endroits symboliques doivent être mis aux normes de sécurité. La menace terroriste est réelle et le peuple nigérien doit en être protégé. C’est la promesse que les autorités de la 7ième République  nous ont faite et nous leur en tiendrons rigueur pour sa réussite ou son échec. Cela dit, ces dramatiques évènements, au-delà de l’émotion et de l’indignation légitimes qu’ils suscitent, devraient être l’occasion pour le Niger d’ajuster sa stratégie dans sa noble lutte pour sa sécurité et celle de la région sahélienne. Pour cela il nous semble opportun de répondre aux questions cruciales que ces tragédies amènent avec elles. En premier lieu, il semble assez évident, compte-tenu de la précision avec laquelle les cibles ont été visées et surtout du fait de leur ampleur, que les attaques d’Arlit, Agadez et Niamey n’auraient pas pu se produire sans une quelconque complicité de personnes disposant d’une certaine connaissance des lieux visés ou du fonctionnement des dispositifs de protection en place.

Ensuite, le bilan humain extrêmement lourd des attaques d’Agadez, d’Arlit et de Niamey devrait donner lieu à une remise en question de la conception même des dispositifs de surveillance et sécurisation des sites sensibles. Par exemple, que la base militaire d’Agadez ait pu être une cible assez aisée, du fait de son positionnement à proximité du milieu urbain, ou de sa protection physique  est assez impensable, de surcroît dans un contexte sécuritaire où la vigilance devait être drastiquement rehaussée.

Enfin, le choix de la stratégie reposant sur une implication militaire active sur le théâtre malien ainsi que sur l’ensemble du territoire nigérien, s’est accompagné de l’installation de moyens de renseignement sophistiqués de la part de nos alliés américains et français. Ce dispositif inclut la création d’une base de drones américains ainsi que la présence du Commandement des Opérations Spéciales (COS) français sur le territoire nigérien. Cette présence devait compléter de façon décisive la capacité du Niger, à recueillir, traiter et utiliser du renseignement. Les faits nous montrent que cela n’a pas dissuadé les assaillants d’attaquer, malheureusement avec succès, des sites névralgiques du dispositif de sécurité comme le commandement de la zone de défense N°2, installé à Agadez. C’est donc l’occasion de clarifier avec nos partenaires, l’étendue, la pertinence et l’efficacité de notre coopération. Toutes ces questions méritent d’être élucidées. Et les enseignements qui en découlent devraient permettre au Niger d’adapter sa stratégie de surveillance et de protection. Quoiqu’il en soit, nous estimons que le pays doit aujourd’hui assumer ses choix en renforçant sa détermination à aller au bout de la stratégie qu’il a choisie, même si celle-ci devrait faire l’objet de certains réaménagements selon les réponses aux questions soulevées par les drames récents. Concrètement, l’engagement militaire sur le théâtre malien doit être maintenu tant que la menace sera présente. La surveillance du territoire national avec les moyens traditionnels (renseignement humain, présence accrue de l’armée sur le terrain) doit être démultipliée. L’Etat nigérien doit, malgré le coût et le sacrifice humains, rester fort et déterminé à protéger le Niger et son peuple. Mais cette stratégie, pour être efficace, doit mise en œuvre dans la discrétion, car il est prouvé que moins on en dit, mieux on peut bénéficier d’un effet de surprise vis-à-vis d’un ennemi sournois qui n’a ni front ni tranchées. 

Que Dieu protège le Niger

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