La France en guerre au Mali, ou le retour de l’Afrique Occidentale Française

Par Abdoul-Aziz SAÏDOU

La situation de crise au Mali se maintient et connaît ces jours-ci une évolution pour le moins inattendue. Pendant que les forces armées africaines se préparent, en toute légitimité, mais peut-être en toute prudence et mesure, à s’assumer sur le terrain du défi qui est le leur au Nord du Mali, la grande surprise (qui n’en est pas vraiment une), est la soudaine et brusque intervention armée de la France. Sans mandat légitime autre que la requête d’un gouvernement malien qui lui-même jouit d’une légitimité républicaine contestée, et au nom d’une prétendue volonté d’aider « un pays ami » (?). Pourtant, la France avait elle-même déclaré, auparavant, qu’elle n’aura d’intervention que logistique, et cela en soutien aux forces africaines. Le soutien logistique s’est transformé en combat lourd, aérien et terrestre, en première ligne, et avec un zèle et un auto-démenti qui cache à peine la précipitation et la prétention impérialiste.

Au nom de quoi la France se sentirait-elle responsable de la sécurité des peuples africains ? Ce pays est-il le plus responsable parmi l’ensemble des pays des Nations-Unies ? Pourquoi la France, et pas un autre pays, même occidental ? Qu’attend cette France, ce sauveur qui se prétend désintéressé (!), pour aller arrêter le massacre des milliers de vie qui se fait en Syrie, au vu et au su de tout le monde ? Ou alors, ce pays serait-il venu, sans avoir le courage politique de le dire, éteindre le feu qu’il avait lui-même allumé, depuis son intrusion en Lybie contre la volonté de l’Afrique, et depuis son rôle historique grave dans la génération du conflit malien et sahélo-saharien actuel, qui a suivi l’intervention en Lybie? Ou alors, cette vieille puissance coloniale, aurait-t-elle du mal à oublier, malgré les discours de Dakar et d’Alger, qui se disputent médiocrité et théâtralité, son Afrique Occidentale Française ? Celle-là même qui depuis plus d’un siècle, lui sert de caverne d’Ali Baba et de zone d’influence stratégique ? Le moins que l’on sait, c’est que l’exploitation uranifère et pétrolière dans laquelle ce pays a mis ses tentacules, au Niger, au Mali, et d’ailleurs en Lybie, constitue un enjeu majeur pour lequel l’homme politique français, de gauche comme de droite, est prêt à commettre tous les forfaits. On sait la présence d’intérêts économiques et de calculs stratégiques dans l’intervention en Lybie, on sait comment la France finance une partie significative de son autonomie énergétique (qui n’en est pas une si l’on creuse plus intelligemment) avec l’uranium du Niger, exploité avec des contrats abusifs depuis 40 ans, et on sait les investissements français actuels dans l’ensemble de ces pays, y compris au Mali. Toutes ces coïncidences ne donnent-elles pas du mal à croire à une intervention humaniste, désintéressée ? Apparemment, le mensonge, la domination, et la duperie font partie de l’art de se gouverner et de gouverner les autres. Et à l’inverse, on dirait que l’alliance au détriment du peuple, la lâcheté politique, et la naïveté assumée font partie de l’art de se faire gouverner et de rehausser la puissance de l’autre. La seule dignité qui vaille aux Africains, c’est de se passer de cette logique de dépendance vis-à-vis de leur ancienne puissance coloniale (la France dans ce cas), et de prendre en main intelligemment, et en toutes responsabilités, dans la CEDEAO et à l’Union Africaine, le sort de leur destinée. Pourvu que ceux qui dirigent ces pays aient le courage d’assumer leur responsabilité politique et leur devoir de justice et de protection vis-à-vis des peuples qui les ont élus. Car une solution de sécurité durable ne peut point venir de l’extérieur. Car la sécurité est une question de souveraineté et que les gouvernements qui ne peuvent l’assurer à leurs peuples sont des gouvernements en capitulation. En gardant une conscience historique, on peut bien se demander : Quel enseignement historiquement aveugle inspire-t-il ces gouvernements Africains, pour croire que c’est l’Occident qui les sortira de crise ? et ce de manière désintéressée ? L’enseignement de l’IRAQ ? De l’Afghanistan ? Ou encore celui de la Lybie ?