Trois nouvelles universités créées au Niger : Quels espoirs ?

Il vient d’être d’annoncé1 la création de trois nouvelles universités au Niger : l’université de Maradi, l’université de Tahoua et l’université de Zinder. Ces trois universités devraient se bâtir sur les socles des instituts universitaires de technologies (IUTs) qui existent déjà dans les trois régions d’implantations. Les informations en notre possession à cette date ne donnent pas de détails sur cette mesure. Néanmoins, la création formelle de ces universités nous semble très intéressante en soi et à plus d’un titre, même si (voir plus bas) certaines actions effectives conditionneront le succès du projet.

Dans cet article spontané, nous discutons brièvement l’intérêt de ce projet de création de nouvelles universités publiques au Niger. Nous mettons aussi en évidence quelques éléments nécessaires à la réussite du projet et à son effet positif sur l’enseignement supérieur et le développement du Niger.

Premièrement, le développement de ces universités permettrait d’élargir la capacité d’accueil et de formation de l’enseignement supérieur public au Niger. A terme, ceci serait donc une réponse conséquente à l’inadéquation actuelle entre la capacité d’accueil à l’université de Niamey (en termes de nombre d’étudiants et de qualité d’encadrement) et la demande qui se fait de plus en plus forte avec le nombre de bacheliers et même d’étudiants de 2^e et 3^e cycle en quête de poursuite d’études.

Deuxièmement, ces nouvelles universités seraient de notre point de vue une opportunité pour diversifier et spécialiser les offres de formation de l’enseignement supérieur nigérien, resté gravement en marge des autres pays en termes d’innovations et d’évolution dans les programmes de formation. Cette idée irait de pair avec celle du développement  de nouveaux pôles d’attraction universitaire au sein du pays, avec pour chaque pôle des domaines d’excellence assez spécifiques et originaux. L’idée initiale discutée par les nigériens, d’ancrer les IUTs sur des particularités socio-économiques des régions, est une idée intéressante à reprendre dans ce cas, afin de donner à  chacune de ces universités une originalité et un socle culturel très fécond. Cela pourra permettre une mise en perspective efficace de la relation formation-développement socio-culturel et économique, basée sur une valorisation intelligente de la riche diversité du Niger. Une telle logique serait également plus propice à la créativité au sein de l’enseignement supérieur et de la recherche. Cette créativité, fruit de l’effort collectif, produira des approches et des connaissances utiles à notre pays et le sortira d’une position de consommateur éternel en termes d’innovation sur les plans éducatif, scientifique et technologique.

Troisièmement, la création de nouveaux centres universitaires est une opportunité pour valoriser de façon plus féconde la ressource humaine que constituent les jeunes nigériens déjà formés dans diverses universités et grandes écoles. La réalisation de cet objectif devra donc passer, à notre sens, par le recrutement et la responsabilisation de ces jeunes en tant qu’enseignants spécialisés dans leurs disciplines respectives. Seule la valorisation d’une telle ressource humaine rajeunie favorisera une mise en place efficace de nouvelles formations à la hauteur des avancées scientifiques et technologiques internationales.

Cependant  l’efficacité de la mise en route et le succès durable de ces universités dépendra de la clarté de la politique de développement de l’enseignement supérieur et de la recherche au Niger2. Aussi, cette politique devra-t-elle être ambitieuse et allouer les moyens nécessaires à la réalisation des objectifs qu’elle se sera fixés. Ainsi, pour donner une suite cohérente à la création de ces universités, le gouvernement nigérien (celui de la transition et celui qui prendra le relais) devra: 

• Augmenter conséquemment et sans tarder le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche, et attribuer à ces nouvelles universités le moyen de se réaliser; 
•  Elaborer des programmes d’enseignement très modernes et en adéquation avec des besoins professionnels prioritaires du Niger (demandes d’entreprises, de l’Etat et autres employeurs…); 
•  Recruter des enseignements d’un bon niveau et sur la base exclusive de la compétence et du mérite; 
•  Mettre en place des conditions de vie et d’études attractives pour les étudiants et faciliter le logement pour les étudiants provenant de l’extérieur des villes d’accueil respectives. Cela passe par la construction de cités et de restaurants universitaires ou, dans tous les cas, par des solutions originales (faciliter l’accès au loyer et à l’alimentation par divers moyens). 
•  Suivre attentivement ces universités et développer des outils de mesure de la qualité de l’enseignement;  
•  Encourager  l’élaboration de partenariats avec des universités dans le monde;  
•  Développer des relations avec les entreprises et autres cadres professionnels pour faciliter l’insertion des étudiants dans le monde professionnel;  
•  Encourager le développement de la recherche, à associer notamment avec l’évolution de carrière des enseignants et la nécessité de faire de l’université un nid de la connaissance.

Si toutes ces mesures (et certaines autres que nous n’avons pu citer) deviennent effectives, la création de ces universités remettra certainement le Niger dans les conditions pour mieux profiter des avancées scientifiques et technologiques les plus récentes. La finalité étant  d’aboutir à une éducation nationale de haut niveau, un enseignement supérieur nigérien attractif et performant, et  une université diversifiée qui se développe et participe au développement national.

• 1. Le Sahel, 2 juillet 2010. Accès en ligne sur Lesahel.org
• 2. Pour une réflexion plus détaillée sur l’importance et le rôle de l’enseignement supérieur et de la recherche, lire notre article publié en septembre 2009 et intitulé: Construire par la science - Que faudrait-il attendre de l’enseignement supérieur et la recherche au Niger ? Retrouvez cet article en ligne à : http://www.cridecigogne.org/content/construire-par-la-science-que-faudra...